Un canal.Texte de Pascal de Gossellin.10

Publié le 9 Juillet 2014

Il en avait touché deux mots au patron en lui demandant s’il avait la pièce en rechange. Son patron répondit par l’affirmative, ce qui l’étonna. À charge pour lui de la trouver dans le désordre ambiant !

Il finit par mettre la main dessus. Il ne fallait pas plus d’une heure pour la réparation, l’attente devant le silo fut bénéfique et la pompe ne souffla plus.

Satisfait de son travail, il vint rendre compte à Bellestre. Il n’eut en retour qu’un grognement et une volte face, mains dans le dos vers la poupe ! Sa femme qui avait assisté à la scène dut expliquer :

  • Il est vexé, content de ton  travail, mais vexé de ne pas s’en être aperçu, de ne pas avoir réparé lui-même. Dans un moment ça ira mieux.

 

Effectivement, il l’appela peu après, comme si de rien n’était, pour lui demander d’empiler à l’avant les panneaux d’écoutille amovibles, afin de dégager complètement  la  cale. Pour ce faire, ils devaient se placer chacun d’un côté du bateau et saisir les lourds panneaux métalliques par leurs poignées.

 

Enfin leur tour arriva : ils se rangèrent sous le boisseau mobile approvisionné par un transporteur à tapis. Bientôt une pluie de blé commença à remplir la cale le plus régulièrement possible. Le boisseau se déplaçait petit à petit, formant de larges pyramides dorées qui se télescopaient d’un bout à l’autre de la soute. La cargaison étant pesée à la sortie du silo, et Bellestre n’eut qu’à signer la fiche informatique : le chargement était terminé.

Il ne restait qu’à remettre en place les panneaux d’écoutille et à vérifier leur parfaite étanchéité.

 

La péniche reprit sa route, cette fois en remontant l’Yonne. Ils firent escale à Sens, car la péniche, maintenant chargée, naviguait plus lentement, peinait à contre-courant avec son tirant d’eau élevé. Etienne n’avait plus la même vision des choses, la berge semblait plus hautes, les bateaux vides qu’ils croisaient, plus impressionnants.

 

Les écluses devenaient plus difficiles car les bajoyers étaient en pente : en montant le bateau glissait très loin des bollards et l’éclusier devait leur envoyer une perche avec un crochet dans lequel Etienne passait l’amarre. Pour sortir, il fallait veiller à rester bien au milieu pour que la coque ne frotte pas sur les pierres invisibles sous l’eau.

 

Etienne, habitué maintenant aux grandes écluses de la Seine, avait été très étonné par l’étroitesse des ouvrages, des écluses en particulier.

  • Je ne suis pas prêt à rentrer la péniche là-dedans !

Le patron avait ri :

  • Tu verras sur le canal de Bourgogne, même si les écluses sont plus étroites encore, les bajoyers sont bien droits : quand il n’y a pas de vent, c’est pas sorcier : tu mets son nez dedans et tu pousses !

Il était un peu original, Bellestre, au fond il n’aimait pas trop utiliser les mots sacralisés par les anciens de la profession qui auraient dit proue au lieu de nez…

 

Bellestre avait planifié leur journée du lendemain : on partirait de Sens à l’aube, on passerait Migennes où on laisserait l’Yonne à droite pour entrer dans le canal de Bourgogne. On naviguerait jusqu’à la halte de Saint Florentin où on mouillerait pour la nuit.

 

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Rédigé par Le blog sur Chatillon sur Indre

Publié dans #Ecrivain et romancier de Chatillon

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