Un canal.Texte de Pascal de Gosselin.4

Publié le 9 Juillet 2014

Au retour il poussa la porte du café. L’homme qui lui avait souri la veille, lui sourit encore. Il vint naturellement s’asseoir à sa table et lui demanda :

  • Tu n’es pas marinier, toi ?
  • Non… enfin pas encore !
  • Pourquoi « pas encore » ?

Etienne raconta  l’ANPE, le rendez-vous le surlendemain quai de Bercy.

Comment il s’appelle le bateau ?

  • La Clotilde.
  • Mais c’est le bateau de Maurice. Vous entendez, vous autres, le petit va peut-être embarquer sur la Clotilde.

Ils souriaient tous cette fois.

  • C’est vrai qu’il a laissé le Josse au Havre, il était trop malade et maintenant Maurice, il est seul sur sa péniche avec sa femme Suzanne. C’est trop juste pour une grosse péniche comme ça.
  • Qu’est-ce que tu connais aux bateaux, toi, demanda un autre marinier ?

Ils étaient tous debout autour de la table.

  • Rien. Je veux travailler, c’est tout !
  • D’accord, mais qu’est-ce que tu sais faire ?
  • J’ai appris la mécanique auto.
  • Eh bien ça va plaire à Maurice, parce que, lui, pour la peinture et la navigation, il est imbattable, mais pour la mécanique, il est pas trop fort !

Un autre continua, pour illustrer :

  • Vous vous souvenez quand il était resté en rade à Choisy, le moulin cassé alors qu’une bielle claquait depuis deux semaines au moins ?

Tinny les regarda rire d’un autre marinier comme eux, mais leur rire était chaud, un rire qui fait penser à quelqu’un qu’on aime bien.

 

Comme la veille, il resta jusqu’à la fermeture.

 

 

Le jour suivant, il avait toujours ce besoin de Seine, d’ambiance marinière. Levé bien plus tôt qu’à l’ordinaire il marchait rue de la Bastille au cœur d’une brume d’automne, légère, mais qui s’épaississait plus il approchait des quais de Seine. C’est à peine s’il voyait l’eau quand il s’engagea sur le pont de Bercy. Le spectacle était impressionnant : entrevoir ces bateaux qui passaient sous lui, sous le pont, masses sombres dans la brume, feux allumés, radars tournants, qui semblaient aller trop vite, prendre des risques.

Un métro passa derrière lui, sur le viaduc qui surplombait le pont. Quand il leva la tête, la rame fuyait par-dessus le brouillard, en ombre chinoise avec un grand soleil rose en toile de fond,.

 

A ses pieds, il avait laissé tomber un sac, son sac pour partir. Le patron de l’Avalant lui avait dit, entre deux souvenirs de l’époque où il naviguait à Dunkerque :

  • Quand on est marinier, faut être prêt ! Si Maurice veut bien t’embarquer, faut avoir ton sac sous le bras.

Alors, il avait laissé un mot à son propriétaire pour lui dire de lui garder la chambre, qu’il reviendrait, et il avait rempli un sac tout léger : le gros ce qu’il avait ne servirait pas sur un bateau. Il prit malgré tout ses vieilles santiags, parce qu’il les aimaient bien.

 

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Rédigé par Le blog sur Chatillon sur Indre

Publié dans #Ecrivain et romancier de Chatillon

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